Abbaye militaire
"La Persévérante" de Montheron

Depuis 1850 !

L’ABBAYE «LA PERSEVERANTE»,
VIEILLE DAME
DE LA PAROISSE DE
MORRENS - MONTHERON



Un peu d’histoire

Les abbayes, nées de l’histoire, tout d’abord au travers de l’organisation des Milices bourgeoises, puis de l’émergence des sociétés d’arbalétriers, de mousquetaires ou de carabiniers, font partie intégrante de la vie physique et morale de notre canton. Aujourd’hui, on compte quelque 185 sociétés, représentant près de 20'000 membres actifs. Dans un monde en perpétuelle évolution, le maintien des abbayes est un phénomène digne d’admiration et d’intérêt. Les traditions fidèlement conservées sont le reflet de l’instinct grégaire des Vaudois qui se plaisent à cultiver un conservatisme lié à une structure cantonale encore largement agricole. Il est certain que ces éléments ont joué leur rôle dans le maintien de cette forme d’association volontaire.

Les abbayes sont une particularité typiquement vaudoise qui trouve ses premières origines du temps des comtes de Savoie qui avaient organisé dans leurs villes et bourgades, des milices de tireurs à l’arc, puis d’arquebusiers, prêtes à assurer instantanément l’auto-défense des localités et le respect de l’ordre public. Ces prestations paramilitaires, en principe volontaires et honorifiques, comportaient certains privilèges et avantages tels que des prix aux meilleurs tireurs et des dispenses d’impôts ou de corvées. Lors de la conquête bernoise en 1536, ces groupements de tireurs ont été conservés pour protéger les nouvelles institutions et intégrés dans la politique de défense globale, avec entraînement volontaire au tir. Ainsi, les abbayes existantes ont non seulement été maintenues par les Bernois, mais développées dans tout le Pays de Vaud, aidées en cela par le goût de la fête et de la compétition de leurs sujets vaudois.

Relevons encore que le fait d’appartenir à une abbaye permettait de posséder sa propre arme à la maison, particularité suisse quasi unique, devenue le symbole de l’homme libre qui existe encore aujourd’hui. Lors de la confirmation religieuse à l’âge de 16 ans, le don d’un fusil consacrait l’entrée du jeune homme dans la communauté des adultes et c’est pour cela que pratiquement tous les statuts des anciennes abbayes fixent l’entrée à 16 ans, la possession de sa propre arme à feu étant la première condition d’admission.

Après la fondation du canton de Vaud en 1803 et la période agitée qui avait précédé cet événement, de nombreuses abbayes aux noms évocateurs voient le jour dans tout le pays : Les Arquebusiers, le Cordon vert et blanc, les Carabiniers, les Agriculteurs, les Volontaires, les Laboureurs, les Patriotes, les Amis de la Liberté, la Société militaire Suisse Indépendante ou l’Union des Frères d’Armes, et bien d’autres encore.

La Persévérante de Montheron

La Constitution fédérale de 1848 suscita également la création de nombreuses nouvelles abbayes, dont « La Persévérante » de la paroisse de Montherond (aujourd’hui Montheron) en 1850. Le règlement adopté le 23 juin 1850 mentionne : « Les frères d’armes de la paroisse de Montherond et des localités voisines, réunis en assemblée générale afin de se constituer en société, ont arrêté les dispositions pour être règlement constitutif et fondamental de la Société. La mise de chaque sociétaire fondateur sera de 20 francs fédéraux payés par quart chaque année, pendant quatre ans consécutifs ; les trois quart restants portent intérêt au cinq pour cent ». L’article 4 précise que pour être reconnu membre de la Société, il faut être citoyen suisse, âgé de seize ans au moins, et ne pas être sous le poids d’une faillite. Le tir à la carabine se déroulait le samedi en habit bourgeois, tandis que le dimanche, la parade militaire avait lieu en grande tenue du corps respectif, excepté le sac. A moins d’avoir été dispensé par l’Abbé-président, la présence à la fête était obligatoire sous peine de 58 centimes d’amende.

Ces quelques extraits montrent que la Société militaire d’Abbaye était chose sérieuse, calquée sur les règles de comportement et de discipline militaires. Malgré l’évolution de la société, dotée de statuts modernes adaptés à la situation d’aujourd’hui, la fête bisannuelle se déroule à tour de rôle dans les villages de la paroisse, toujours selon une certaine ordonnance, avec port du brassard obligatoire et tenue vestimentaire correcte. La prise de la bannière, dont l’exemplaire d’aujourd’hui a été inauguré le 4 juillet 1982 avec la devise « Liberté – Travail – Concorde », a lieu avec garde d’honneur en tenue militaire. Le programme officiel de la fête, qui s’étendait sur trois journées du samedi au lundi, a été concentré sur le samedi, en principe au début de juillet. Les tirs, qui ont lieu au stand de Froideville à 300 mètres, suivant un plan soumis pour approbation à la Fédération des Abbayes Vaudoises (FAV), sont ponctués du couronnement des rois et de la distribution des prix, cérémonie placée en ouverture des festivités du samedi. Cortège, banquet et animation musicale complètent le programme d’une fête attendue et populaire, qui associe dans une même ferveur les quelque 120 membres de l’abbaye et la grande famille villageoise, dans une célébration joyeuse de retrouvailles de toute une population avec ses racines profondes.

René Martin
Abbé-président d’Honneur